EADS - Le scandale
EADS : le scandale est officiel, Lagardère et Breton épinglés, le gouvernement sur la défensive
Le rapport de l'Autorité des marchés financiers montre qu'à l'exception de Louis Gallois, 21 dirigeants d'EADS, Français ou Allemands, ont profité de leur position pour vendre au plus haut leurs actions de l'entreprise. Lagardère gagne du temps, Breton proteste de son innocence, et le gouvernement est embarassé.
Cette fois-ci, l'Autorité des marchés financiers a « fait le job » : la note dont le quotidien Le Figaro s'est fait l'écho mercredi 3 octobre, met en cause l'ensemble de l'état-major d'EADS, à l'exception notable du Président d'EADS Louis Gallois. Elle jette aussi un regard cru sur le rôle de Thierry Breton, qui avait succédé à Nicolas Sarkozy à Bercy. La quasi-totalité de l'état-major d'EADS connaissait donc parfaitement dès le mois de mai 2005 l'existence de gros problèmes dans les usines du groupe, problèmes qui allaient entraîner un retard dans la mise au point de l'A380 et pénaliser l'exploitation et les profits de l'entreprise. Toutes ces belles âmes ont choisi de se servir dans la caisse en vendant leurs actions au moment où l'action EADS était au plus haut puisque les marchés et le public ne détenaient pas cette information sur les difficultés à venir. Total du butin : 90 millions d'euros ! En droit, cela s'appelle un délit d'initié, et cela amène ceux qui en sont convaincus au pénal avec le risque de peines de prison avec sursis. Au total, 1200 cadres seraient concernés ! Mais l'AMF a choisi de concentrer ses tirs sur les plus hauts dirigeants.
L'extrait de la note interne à Bercy est, à elle seule, un énorme scandale dans le scandale :
« Nous avons conclu après cette réunion qu'EADS allait traverser une zone de turbulences et qu'en conséquence, il était opportun pour l'Etat de profiter de la valorisation du titre de l'époque qui n'intégrait que les nouvelles positives de l'exercice écoulé et de proposer au ministre une cession partielle de la participation de l'Etat. » Traduction pour le commun des mortels : l'Etat est ici invité à un actionnaire privé veillant à ses intérêts à court terme ! Le ton froid et anodin de la note exprime mieux qu'un long discours la profonde dégradation de l'esprit public et du sens de l'Etat : l'inspecteur des finances auteur de cette lettre n'a aucunement conscience qu'en suggérant au Ministre de vendre les participations de l'Etat, il risque de le mettre hors la loi. En l'occurrence, et c'est sans doute le clou de ce dossier, l'Etat pourrait bien être soupçonné d'avoir lui-même non pas commis un délit d'initié, mais laissé Lagardère et Daimler Bentz le faire. Plus grave : qui est-ce, si ce n'est Thierry Breton, alors Ministre des Finances, qui a ordonné à la Caisse des Dépots de racheter les actions de Lagardère dans EADS, comme l'a souligné Arnaud Montebourg à l'Assemblée ?
La défense des personnalités et des institutions mises en cause semble bien faible. Du côté de Lagardère, on cherche à gagner du temps en indiquant que la note se situe très en amont des conclusions d'une enquête qui n'est pas terminée. Le groupe Lagardère a indqué par ailleurs dans un communiqué laconique qu'il avait « décidé d'introduire toutes les procédures judiciaires nécessaires pour obtenir réparation des dommages qu'il a subis. » De son côté, Dans un premier temps, Thierry Breton n'a pas réagi officiellement mais un de ses proches a déclaré au Monde « Nous n'avions aucun moyen de bloquer la vente de titres. C'est de l'anti-délit puisque l'Etat a toujours gardé ses titres, considérant qu'il s'agissait d'un actif stratégique et qu'il fallait au groupe un actionnaire de long terme. » Enfin, interpelé par les députés socialistes à l'Assemblée, le gouvernement a botté en touche, Christine Lagarde semblant défendre Thierry Breton. Dans la soirée, ce dernier a fini par s'exprimer, démentant que l'auteur de la note ou lui-même ait été au courant des difficultés de fabrication de l'A-380.
Que va-t-il se passer à présent ? On notera d'abord que la note de l'AMF ne fait que confirmer ce qui se disait depuis fort longtemps dans l'entourage de Sarkozy. Ce n'est pas pour rien que le président a semblé prendre ses distances avec celui qui l'appelle « son frère », notamment après que ce dernier ait été entendu le 28 mai, 9 heures durant, par les fins limiers de l'AMF. Quand à Thierry Breton, considéré par Sarkozy depuis le départ comme un pion de Chirac, on comprend que sa seule solution professionnelle ait été de retourner travailler dans le secteur privé, où, hélas, l'égoïsme, même quasi-frauduleux, n'est pas considéré comme un défaut…. C'est justement ce qui débloque dans le néolibéralisme : le refus de payer le travail par un salaire auquel les entreprises préfèrent substituer des stocks options aboutit à des comportements illicites et aberrant pour l'intérêt de l'entreprise, de ses salariés et de ses petits actionnaires. Voilà qui peut faire exploser la machine. Même si aujourd'hui, la Bourse de Paris n'a pas chahuté le titre EADS, comme si le marché jugeait le comportement de ses dirigeants parfaitement normal. En revanche, le titre Lagardère a dévissé de 5% en une séance.
Il reste à deviner comment va réagir l'Etat-actionnaire au sein d'EADS : Nicolas Sarkozy a une occasion unique d'éloigner Arnaud Lagardère d'une entreprise et d'un secteur qui ne l'a jamais intéressé. Et de montrer que les discours vitupérant d'Henri Guaino contre les « patrons-voyous » durant la campagne valaient engagement présidentiel. Le problème va devenir de savoir si lesdits patrons-voyous sont l'exception ou la règle d'un système devenu fou.
Artticle actualisé le 3 octobre 2007 à 20h49
L'extrait de la note interne à Bercy est, à elle seule, un énorme scandale dans le scandale :
« Nous avons conclu après cette réunion qu'EADS allait traverser une zone de turbulences et qu'en conséquence, il était opportun pour l'Etat de profiter de la valorisation du titre de l'époque qui n'intégrait que les nouvelles positives de l'exercice écoulé et de proposer au ministre une cession partielle de la participation de l'Etat. » Traduction pour le commun des mortels : l'Etat est ici invité à un actionnaire privé veillant à ses intérêts à court terme ! Le ton froid et anodin de la note exprime mieux qu'un long discours la profonde dégradation de l'esprit public et du sens de l'Etat : l'inspecteur des finances auteur de cette lettre n'a aucunement conscience qu'en suggérant au Ministre de vendre les participations de l'Etat, il risque de le mettre hors la loi. En l'occurrence, et c'est sans doute le clou de ce dossier, l'Etat pourrait bien être soupçonné d'avoir lui-même non pas commis un délit d'initié, mais laissé Lagardère et Daimler Bentz le faire. Plus grave : qui est-ce, si ce n'est Thierry Breton, alors Ministre des Finances, qui a ordonné à la Caisse des Dépots de racheter les actions de Lagardère dans EADS, comme l'a souligné Arnaud Montebourg à l'Assemblée ?
La défense des personnalités et des institutions mises en cause semble bien faible. Du côté de Lagardère, on cherche à gagner du temps en indiquant que la note se situe très en amont des conclusions d'une enquête qui n'est pas terminée. Le groupe Lagardère a indqué par ailleurs dans un communiqué laconique qu'il avait « décidé d'introduire toutes les procédures judiciaires nécessaires pour obtenir réparation des dommages qu'il a subis. » De son côté, Dans un premier temps, Thierry Breton n'a pas réagi officiellement mais un de ses proches a déclaré au Monde « Nous n'avions aucun moyen de bloquer la vente de titres. C'est de l'anti-délit puisque l'Etat a toujours gardé ses titres, considérant qu'il s'agissait d'un actif stratégique et qu'il fallait au groupe un actionnaire de long terme. » Enfin, interpelé par les députés socialistes à l'Assemblée, le gouvernement a botté en touche, Christine Lagarde semblant défendre Thierry Breton. Dans la soirée, ce dernier a fini par s'exprimer, démentant que l'auteur de la note ou lui-même ait été au courant des difficultés de fabrication de l'A-380.
Que va-t-il se passer à présent ? On notera d'abord que la note de l'AMF ne fait que confirmer ce qui se disait depuis fort longtemps dans l'entourage de Sarkozy. Ce n'est pas pour rien que le président a semblé prendre ses distances avec celui qui l'appelle « son frère », notamment après que ce dernier ait été entendu le 28 mai, 9 heures durant, par les fins limiers de l'AMF. Quand à Thierry Breton, considéré par Sarkozy depuis le départ comme un pion de Chirac, on comprend que sa seule solution professionnelle ait été de retourner travailler dans le secteur privé, où, hélas, l'égoïsme, même quasi-frauduleux, n'est pas considéré comme un défaut…. C'est justement ce qui débloque dans le néolibéralisme : le refus de payer le travail par un salaire auquel les entreprises préfèrent substituer des stocks options aboutit à des comportements illicites et aberrant pour l'intérêt de l'entreprise, de ses salariés et de ses petits actionnaires. Voilà qui peut faire exploser la machine. Même si aujourd'hui, la Bourse de Paris n'a pas chahuté le titre EADS, comme si le marché jugeait le comportement de ses dirigeants parfaitement normal. En revanche, le titre Lagardère a dévissé de 5% en une séance.
Il reste à deviner comment va réagir l'Etat-actionnaire au sein d'EADS : Nicolas Sarkozy a une occasion unique d'éloigner Arnaud Lagardère d'une entreprise et d'un secteur qui ne l'a jamais intéressé. Et de montrer que les discours vitupérant d'Henri Guaino contre les « patrons-voyous » durant la campagne valaient engagement présidentiel. Le problème va devenir de savoir si lesdits patrons-voyous sont l'exception ou la règle d'un système devenu fou.
Artticle actualisé le 3 octobre 2007 à 20h49