L'heure des retrouvailles

Publié le par citoyen 52

Royal: L'heure des "retrouvailles"
Par Pascale AMAUDRIC
Le Journal du Dimanche
 
segolene-royal-rochelle.jpgIl n'aura fallu que quatre mois à Ségolène Royal pour revenir sur sa campagne présidentielle et l'élection perdue, quand ses prédécesseurs ont mis des années. Mardi sort son livre bilan très attendu Ma plus belle histoire, c'est vous, qu'elle refuse de considérer comme une autocritique. Mais plutôt comme un constat de ses forces et faiblesses dans les combats du printemps.
Ma plus belle histoire, c'est vous. Le livre promis par Ségolène Royal sera en vente mardi matin en librairie. Malgré un plan marketing d'enfer, digne de celui du sorcier britannique Harry Potter, concocté par les éditions Grasset, l'auteur explique au JDD le pourquoi de cet ouvrage, l'esprit de sa démarche qui constitue, de fait, une vraie originalité dans la vie politique. Et, de plus, un "exploit personnel". Jamais un candidat battu à l'élection présidentielle, ni même un candidat victorieux d'ailleurs, ne s'est astreint en effet à un tel travail aussi vite après le combat: Lionel Jospin a mis plus de quatre ans à évoquer publiquement sa campagne de 2002, et avec une charge émotionnelle telle que les militants socialistes présents en 2006 aux universités d'été de La Rochelle ne sont pas prêts de l'oublier.

C'est dire si ce livre de plus de trois cents pages est attendu dans les milieux mediatico-politiques. Ségolène Royal dit elle-même qu'elle a voulu "répondre à une attente", mais à une autre attente: "Celle des ces millions de gens" qui ont cru en elle et qu'elle a vu "désespérés" le soir de sa non victoire du 6 mai, (à l'époque elle ne prononçait pas le mot défaite). Ils "attendent qu'elle recommence", elle en est convaincue, c'est pour eux qu'elle s'est livrée à cet "exercice de vérité et de liberté". "Dix-sept millions de voix quand même, deux millions de voix d'écart seulement, c'est-à-dire qu'un seul petit million a fait la bascule" s'ébahit-elle encore aujourd'hui.Et c'est au peuple de France qu'elle s'adresse directement. "Je veux fêter nos retrouvailles" annonce-t-elle d'un ton enjoué, léger, en écho au titre de son ouvrage inspiré de la chanteuse Barbara, Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous. Un ton nouveau qu'elle adore mêler aux propos plus graves.

"Manque de cohérence"


D'emblée nous voilà prévenus, et peut-être déçus: "Il ne s'agit pas d'une autocritique". "Il y a eu tellement de critiques que ce n'était pas la peine d'en rajouter", plaisante-t-elle à quelques heures de la sortie de l'ouvrage. Toutefois "je ne m'épargne pas", assure-t-elle. Ce qu'elle a voulu faire tout au long de ce labeur - qui lui a coûté mais qu'elle se refuse à nommer thérapie - c'est analyser "les forces et les faiblesses" de la campagne, en insistant davantage, semble-t-il, sur les "forces" de l'adversaire Nicolas Sarkozy, qui avait à sa disposition "tout l'appareil d'Etat, qui pouvait manipuler les sondages et la presse, qui pouvait compter, lui, sur un parti uni et mobilisé", etc. La liste est longue.

Quant à ses "faiblesses", elle en reconnaît une majeure: "Le manque de cohérence". Un manque de cohérence qui a "nourri le procès en improvisation" qui lui a été intenté. Elle admet, de ce point de vue, avoir mieux commencé sa campagne qu'elle ne l'a terminée. Toutefois, si l'on voulait bien se donner la peine de relire La vérité d'une femme, une autobiographie publié en 1996, au terme de sa première expérience gouvernementale, on constaterait qu'y étaient déjà inscrites toutes les "valeurs et convictions" qui ont fait la trame de sa campagne. Le manque de cohérence et l'improvisation n'étaient donc qu'une "apparence"! La leçon qu'elle en tire, c'est qu'un(e) candidat(e) doit être désigné(e) beaucoup plus tôt et sa campagne préparée beaucoup plus en amont, précisément pour en assurer la cohérence. Une idée qu'elle avait déjà émise au lendemain de sa défaite en marge d'une réunion du parti socialiste à la Mutualité, la seule à laquelle elle se soit montrée depuis sept mois. Cette absence-là, elle l'assume d'ailleurs totalement "ne jouant plus aujourd'hui dans cette cour-là", mais cette auto désignation comme candidate pour 2012 avait alors été très mal perçue à gauche.

"Trop de choses nouvelles à la fois"

Si sa campagne a été aussi difficile, c'est qu'elle contenait "plusieurs combats" à la fois. En particulier celui "d'une femme candidate au pouvoir suprême" qui était une première, et qui, elle en est certaine, a nourri l'autre procès de la campagne, "le procès en incompétence" sapant très vite sa crédibilité. "Tout vient de là", dit-elle aujourd'hui un peu crânement, alors qu'elle estime avoir été "plus préparée qu'on ne l'a dit, mais moins qu'il ne l'aurait fallu". Au chapitre des faiblesses également, elle a proposé "trop de choses nouvelles à la fois": sa campagne participative, par exemple, trop longue et mal comprise. Le passage de la phase participative à la phase des propositions "n'a pas été assez clair", convient-elle et le fait d'avoir mélangé des éléments du projet élaboré par le parti socialiste et des éléments issus des débats participatifs "ça a fait catalogue". Mais il y a eu des tabous levés, des valeurs comme le travail, l'identité nationale qui connaissent "en interne" (au PS) une vraie "réhabilitation". Même les plus réfractaires se "réapproprient" la démocratie participative, se réjouit-elle en observant par ailleurs que "les discours autour des grèves montrent que j'avais raison". La pagaille généralisée, elle n'aime pas ça.

Quant à l'avenir, il apparaît en filigrane, mais "ce n'est pas le moment de dire où je vais". Elle a voulu son livre totalement "déconnecté" de 2012. Sa conception du PS et de la gauche, elle n'en parlera qu'en janvier quand elle reprendra ses déplacements dans le cadre de la campagne des élections municipales. Mais d'ores et déjà elle récuse, agacée, l'idée qu'on lui prête de vouloir créer un nouveau parti de centre gauche. "Une erreur", un contresens même, puisqu'elle a toujours pensé au contraire qu'il fallait "tenir les deux bouts", selon l'expression qu'elle affectionne. Des centristes jusqu'à l'extrême gauche afin de créer "une dynamique majoritaire". Il faut prendre ce qu'il y a de bon, et d'utile dans chaque courant politique, "de la radicalité de l'extrême gauche, quand elle est nécessaire, à la force centriste quand elle est fondée". Elle s'est toujours sentie en phase avec les altermondialistes. Elle s'était rendue à Porto Alegre lorsqu'elle était ministre de l'Environnement et sur le point d'accoucher. Dans la campagne, elle avait fait des "gestes" en faveur de José Bové. Ses positions sur l'interdiction des cultures OGM ou des pesticides ne lui ont aliéné personne de ce côté-là, pense-t-elle aujourd'hui. Mais c'est l'appel aux centristes le soir du premier tour qui reste pour elle la marque de sa campagne.

Au fil des pages, l'on trouve également quelques portraits, le portrait croisé par exemple de Jean-Pierre Chevènement et Bernard-Henri Levy, un profil de François Hollande, qui n'a jamais cru possible sa victoire, explique-t-elle. Il y a des absents aussi, Julien Dray par exemple.

Avec ce livre, un chapitre se ferme, celui de la campagne. Mais tout reste ouvert. Ce "formidable moment démocratique", ce "dépassement de soi-même" dont elle ne s'était pas imaginée capable, cette mobilisation des foules sont un "acquis", une exclusivité. Apres de tels moments soit l'on tombe en dépression, soit l'on rebondit: "Ma motivation politique est renforcée", dit-elle dans cette nietzschéenne attitude qu'elle a fait sienne (tout ce qui ne vous tue pas vous renforce).

"Je me suis remise au travail", dit-elle encore: un plein-temps entre Paris et la Région Poitou-Charentes. Depuis son nouveau QG du boulevard Raspail, elle "prend des contacts", même si côté leaders socialistes, il n'y a pas toujours de répondant. Elle prépare des voyages à l'étranger, analyse "en profondeur" la production de ses experts, les jeunes économistes entre autres, qui l'ont soutenue dans sa campagne, Thomas Piketty, ou Philippe Aghion qui enseigne à Harvard. En Région, "la nouvelle Ségolène Royal", (la formule lui convient) met en oeuvre ses idées. Le "contrat de la première chance", si "moqué" dans sa campagne, les microcrédits, "tout cela marche très bien". Quant au Grenelle de l'Environnement, "il y a belle lurette qu'il est en place". La preuve que ses idées "sont les bonnes".


Publié dans Articles de presse

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L
encore un tres bel article sur notre candidate qui devra etre a la tete du ps en 2008
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