Sarkozy se remanie lui-même

Publié le par citoyen 52

LES ÉDITOS DE MARIANNE
Avec i>Télé, la chronique de Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne.

 
Sarkozy se remanie lui-même
 
Ce ne sont pas les mini réglages gouvernementaux qui comptent, ni les ajustements de l'équipe élyséenne qui importent, même si les uns et les autres ne sont pas négligeables. Non, ce qui est essentiel, c'est le remaniement de Nicolas Sarkozy par lui-même, c'est sa tentative d'entrer dans les habits rituels, le costume empesé, quasi-royaliste, du monarque républicain, qu'il n'a pas réussi à enfiler jusqu'ici et dont les Français lui reprochent de l'avoir trop négligé. Depuis deux semaines, et plus encore ces jours-ci, le présidentiable d'hier s'essaie à devenir président, à s'ajuster justement au costume qui taille « patron »….

Certes, les observateurs seront attentifs au mini remaniement gouvernemental annoncé. La promotion de Laurent Wauquiez et de Luc Chatel, ces deux espoirs du sarkozysme qui ont conquis des villes sur la gauche et ont autant d'ambition qu'ils sont souriants, l'ouverture aux sarkozystes Yves Jego ou Dominique Paillé, le changement de poste du spécialiste des élections, le ministre des Anciens Combattants, Alain Marleix, la distinction de femmes comme la centriste Anne-Marie Idrac ou même … d'Isabelle Juppé assurent certains esprits malins qui savent l'épouse de l'ancien Premier ministre spécialiste de l'économie numérique à qui Nicolas Sarkozy veut consacrer un secrétariat d'Etat… Tous ces mouvements ne manqueront pas de passionner les sarkologues.

Mais ce qu'il faut suivre surtout, c'est la mise en scène et en politique du remaniement de Nicolas Sarkozy par lui-même. Comment le chef de l'Etat s'efforce de prendre de la hauteur au plateau des Glières, symbole de la résistance aujourd'hui, comme hier en hommage solennel aux poilus de la guerre de 14-18, comme demain encore il prendra de la profondeur lors de sa visite au sous-marin Le Terrible. Toutes activités présidentielles dites régaliennes ou l'autorité du jour renoue avec celle de toujours, où le chef de l'Etat se montre en chef des Armées comme chef de la France, chef d'une vieille nation, d'un vieux continent.

Roulez tambour. Voilà le monarque présidentiel en représentation qu'il n'a pas été assez jusqu'ici, comme le lui ont reproché les Français et qui tente d'imprimer sur son visage le masque de la gravité qui lui a tant fait défaut et, à son allure, la majesté dont il a été trop dépourvu. Regardez-le s'efforcer au garde-à-vous, à la lenteur et même au silence. Il a remisé ses « Ray-Ban », ses bracelets, sa bling-blinguerie, il tente de faire président respectable et non acteur en jet-set comme en goguette.

Cet effort de comportement correspond à un effort de réflexion. Les critiques des Français contre son exhibitionnisme, son manque de tenue, sa grossièreté, ses fautes de goût, sa prétention insolente au bonheur personnel quand les Français souffrent, les mises en cause de son égotisme, ne sont évidemment pas passées inaperçues à l'Elysée. On y a, en particulier, médité la thèse de l'historien Ernest Kantorowicz sur les deux corps du roi. Thèse qui veut que le souverain réalise un équilibre salvateur pour le peuple, entre la personne physique, profane, mortelle et la figure hiératique, mystérieuse et mystique, traditionnelle et immortelle. Or, le corps profane, le corps de chair, de sang, la personne triviale a dévoré le corps sacré monarchique, explique, entre autres, Bernard-Henri Lévy dans un éditorial du Point. BHL, c'est l'ami adversaire que Nicolas Sarkozy estime comme un intellectuel et qui l'exaspère politiquement. Il n'empêche, il le lit, et ses conseillers d'abord, qui, il y a quelque temps encore, s'imaginaient pouvoir tout bousculer, tout réinventer en la présidence, non seulement la dépoussiérer, mais la moderniser de fond en comble. Fin des illusions modernistes.

Désormais, il faut resacraliser ce qui a été désacralisé. Il est urgent de se présidentialiser, de redonner du corps à un poids trop agité et une parole trop évanescente et brouillonne. Il y a eu trop de mots, trop d'images, qui ont brouillé son image présidentielle et sa parole. Trop de dérapages, comme on dit, qui ont envoyé le chef de l'Etat dans le décor. Maintenant, le président-arbitre doit montrer de la retenue. Ce n'est pas toujours facile. Il y a des écarts. On ne se refait pas du jour au lendemain. Peut-on d'ailleurs jamais se changer ? Peut-il, lui, l'impatient, l'insatisfait, trouver la bonne distance entre la hauteur que réclame l'Histoire et la proximité populaire ? Cet intime éloignement, cette profondeur active, il les avait trouvés comme candidat à la présidence, et puis il l'a perdu au moment du départ de Cécilia, disent ses proches. Maintenant que Carla Sarkozy est là, qu'elle joue le rôle de première dame de France d'une manière « modèle », tout rentrerait dans le bon ordre. Mais vous concéderez que le conditionnel est pour l'instant nécessaire….

Mardi 18 Mars 2008 - 12:24
Nicolas Domenach (Marianne2)

Publié dans Articles de presse

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