Sarkozy et le XV de France

Publié le par citoyen 52

Quand le roi a fait la fête
Par Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne.

 

 

 
Ah « quel bonheur ! ». Il n'a pas caché sa joie le président de la République. On l'a vu vibré, bondir, crier, vivre l'événement comme un enfant, la victoire comme un supporter que le coup de sifflet final a libéré à l'instar de toute la France rugbystique. Nicolas Sarkozy a couru vélocement sur la pelouse pour féliciter les joueurs, pour partager leur allégresse, l'ivresse des vainqueurs…

Il paraît même que ses gardes du corps ont dû le retenir pour qu'il n'effectue pas un tour d'honneur avec les joueurs. Mais rien n'a pu l'empêcher de se rendre dans les vestiaires, de s'y attarder longuement. Avec l'équipe, pour se retrouver entre sportifs, entre professionnels de l'effort qui savent ce qu'il en coûte de ne rien lâcher, de livrer un « match d'anthologie », comme il l'a dit, où on l'emporte mais où on a douté. Car même dans le succès, on n'oublie pas que la défaite n'était pas loin, qu'il faut toujours en surmonter le démon et que demain, il faudra le terrasser à nouveau pour un autre match… Les hommes politiques et Sarkozy en particulier se vivent comme des champions de très haut niveau !

Rien ni personne n'a pu l'empêcher de célébrer ce triomphe inespéré dans un restaurant parisien du 9e arrondissement et jusqu'à 5 heures du matin. Le roi a fait une « teuf » à tout casser. Dans notre monarchie républicaine, ça compte. Il y avait là les amis, Christian Clavier, Rachida Dati, la ministre de la Justice et Roselyne Bachelot celle de la Santé et des Sports et puis le boxeur français d'origine iranienne Mahyar Monshipour et les chiraquiens d'hier David Douillet et Denis Tillinac ainsi que les chanteurs Sylvie Vartan et bien sûr Enrico Macias. Tout le monde a repris en chœur la Maritza, « mon père »… toi Paris tu m'as pris dans tes bras et puis encore Ah qu'elles sont jolies les filles de Sarkozy laïlaïlaï, le président était aux anges comme s'il avait lui-même blackboulé tous ses ennemis et fait oublier Chirac, vainqueur de la Coupe du monde de foot de 1998.

Nicolas Sarkozy a toujours aimé chanter avec les joyeux camarades mais, là, paraît-il, c'était à gorge déployée. Il n'y avait pas de François Fillon pour déraper en gros et dans le détail. Pas même de Pénélope Fillon, cette galloise qui expliquait dans le Sunday Times que « les Français sont des énervés qui s'énervent eux-mêmes ». On se demande vraiment où « Madame Rosbif », comme l'appelle le Sunday Times, est allée chercher tout ça…

Ce n'est pas Sarkozy qui serait énervé par sa baisse dans les sondages ni par les parlementaires UMP ringards qui refusent d'entendre parler de l'introduction d'une dose de proportionnelle tant au Sénat qu'à l'Assemblée, qui critiquent l'ouverture parce que ces frileux ont peur des courants d'air et veulent tout pour leur pomme passablement ridée ! Ce n'est pas le chef de l'Etat qui serait agacé par ces amendements « imbéciles » sur l'ADN et l'hébergement des sans papiers qui divisent la majorité. La preuve, dans cette nuit de fête, ils n'ont pas parlé politique. Ils n'ont pas discuté de la hausse du chômage ni de la crise financière américaine qui menace l'Europe. Non, ils ont juste chanté de bon cœur en se félicitant tout de même d'avoir fait le « bon choix », d'avoir misé sur Bernard Laporte depuis des mois, d'être assuré désormais de pouvoir en faire un ministre sans être accusé de promouvoir un affairiste casinotier.

La France et Sarkozy ce week-end en chassant les épouvantails noirs ont déjà gagné un match politico-économique : cette victoire remonte le moral des Français qui dégringolait. Ce n'est pas seulement au couscous de la Boule rouge qu'on a fait la fête, c'est dans tout le pays et la fête appelle la fête selon la morale positiviste sarkozyienne. Comme la déprime provoque la déprime. Après les mauvaises nouvelles économiques de la rentrée, les troubles majoritaires, le scandale EADS, Sarkozy craignait l'aggravation du cycle dépressif. Nous en serions donc sortis. Par le haut !

Le président ne dira pas que c'est grâce à lui, mais il le pense. Il faut, quand on est un chef, avoir de la chance, savoir la provoquer et en bénéficier. Car c'est le miracle de la lanterne magique de TF1 : quand l'équipe de France perd, on ne voit plus le président à l'écran. Quand elle gagne, on peut l'admirer longuement. Ca, c'est de la télé ! D'ailleurs, c'est comme si on était déjà champions du monde et si on l'emportait en demi puis en finale, alors on serait champions de l'univers ! ...
 

Publié dans Articles de presse

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